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 cézanne&tobias ✈ just as a heatwave overwhelming my world

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Tobias C. Cellini

Tobias C. Cellini

Féminin
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MessageSujet: cézanne&tobias ✈ just as a heatwave overwhelming my world   cézanne&tobias ✈ just as a heatwave overwhelming my world EmptyMer 1 Fév - 19:44



are you feeling it?



Quelle est cette voix ? Celle d’un homme ordinaire – d’une femme peut-être, je ne sais pas. Je ne sais plus. Celle de quelqu’un qui vit avec ses habitudes, ses joies, ses peines ; pourtant cette voix, sans même connaître les lèvres qui la laissèrent me démanteler ce jour-là, je la hais. Je maudis les accents d’une fausse empathie qui m’annoncèrent ma propre destruction, par procuration ; il me semble que cette voix est celle de la mort elle-même, et elle n’en finit plus de se répercuter partout où je la traîne, car c’est en moi qu’elle puise son essence. Incessant soliloque, écho qui alimente seul mon éternel silence… Pas un jour ne passe sans que je ne me rappelle. Balle en plein cœur, je coule le long du mur et me répand au sol ; le combiné de mon vieux téléphone pend dans le vide à hauteur de ma tempe, tout comme je pend désormais au dessus des abysses, lamentable loque, haillon déchiqueté.

Je suis mort.

Je suis mort avec elle. Seules ses boucles rousses et son sourire allumaient la vie dans mon regard, et m’arrachaient à ma retraite obsessionnelle. Seule sa voix volait la couronne au silence. C’est comme si je sentais le sang dégouliner sur ma peau froide, et je la vois presque étendue sur un lit de fortune… Ont-ils déjà couvert son visage du pâle drap de la mort ? Mon corps tremble et j’en ai mal, et je n’arrive pas à comprendre, et je n’arrive pas à réaliser que c’est fini. Pourquoi… Pourquoi l’ai-je laissée seule… Les mains agrippent les cheveux et les tirent comme pour les arracher par touffes entières, et le hurlement déchirant qui me strie de l’intérieur se fait lame tranchante tailladant mon cœur, car les nœuds dans ma gorge refusent de le laisser m’éclater les cordes vocales. Si seulement j’étais resté… Mais j’étais parti. J’étais parti. Je l’avais laissée se noyer dans la triste réalité d’une relation amoureuse qui ne me convenait plus : laissée se noyer dans des larmes qu’elle avait toujours retenues, au même titre que j’avais retenu les miennes. Queenie… « Je suis sincèrement désolé, monsieur. » Désolé. Le mot s’amplifie et je le comprends enfin ; je perçois le sens profond de la désolation – la véritable désolation. Me voilà presque nu comme un vers, recroquevillé contre ce mur, lamentable coquille vide : on m’a tout arraché. Elle était tout...

***

Je ne sais même plus pourquoi j’ai passé la porte de ce pub. Ou peut-être que si, je le sais, inconsciemment ; que je le sais mais que la vérité est encore trop dure à accepter. Les jours ont passé, et à ses tâches de rousseur éclatantes ont succédé d’autres traits. Un autre visage, imprégné d’étranges marques pareilles à des cicatrices et qui démentent mes tentatives de lui échapper en me disant qu’il ne s’agit pas de lui. Après tout, pourquoi nier ? Comment pouvais-je oublier cette allure élégamment insolente, cette démarche presque féline et ce regard débordant de mystérieuses ténèbres… Le jour où il m’a touché en me bousculant dans cette rue, le cours accidentel de ma vie a été bouleversé. Il a suffit d’une brève demi-heure autour d’un café pour que ses traits ne s’ancrent en moi. Combien de fois ai-je laissé mon crayon esquisser inconsciemment la courbe de son menton, le renflement de ses lèvres, la flamme d’assurance sensuelle dans ses yeux… Lorsque la voix du téléphone m’a annoncé cruellement la mort de ma Queenie, l’infinie douleur qui m’a pris au ventre s’est trouvée accompagnée d’une horrifiante sensation de… libération. Car j’ai enfin pu prendre conscience de ce désir cent fois refoulé… Révélation. Il errait à travers mon esprit et frappait mon cœur depuis notre premier contact.

Avais-je compris qu’il serait là, ce soir-là ?

Mes pas me traînent jusqu’au bar où je murmure vaguement ma commande, en éternel réservé que je suis. L’air est lourd mais l’atmosphère chaleureuse ; le serveur balance le verre et celui-ci recrache une vague sur le bois vernis du comptoir. Comment a t-il fait pour me convaincre de partager ce café avec lui, ce jour là… ? Je plonge dans mon mutisme et aspire quelques gorgées, sentant un frisson réprimé me picoter la nuque alors que le whisky me brûle la gorge. Je le sens presque tracer son chemin jusqu’au creux de mes entrailles, tractant dans mes veines sa chaleur diffuse. Sa chaleur malsaine. Il est rare que je rentre entre les barreaux de cette case généralement attribuée à l’artiste dans l’inconscient collectif : les stéréotypes parlent d’êtres déconnectés du réel, habités par une certaine folie, mais aussi par les substances illicites. Les deux premiers critères sont recevables dans mon cas, mais je les recueille avec une certaine reconnaissance ; non pas que l’hystérie frénétique soit toujours louable, mais la mienne m’entraîne dans des compositions picturales qui me plaisent et me libèrent, et me confère, l’espace d’un instant, une confiance en moi qui s’évapore dès lors que je lâche mon pinceau. Je redessine pensivement les gravures régulières du verre, du pouce. Je ne suis pourtant pas un drogué alcoolique – simplement, il m’arrive de me laisser aller, sans raison précise. Loin de l’addiction, qui n’a jamais réussi à insérer en moi que les racines de mon art et de la musique.

On se met à jouer du gros piano qui trône quelque part un peu plus loin. Un œil glisse jusqu’aux touches, court le long du dos du musicien ; la chaleur qui me tord le ventre n’a plus rien d’alcoolisée cette fois. Je l’ai su à la seconde où mon regard rencontrait sa silhouette, ses larges épaules et les cheveux bruns qui courent en désordre sur sa nuque : c’est lui. Il semble être à un stade plus avancé que moi, ayant avalé sans doute quelques verres de plus. Pourtant, et même s’il a monopolisé le piano dans la simple intention de déconner un peu, ses doigts sont habiles sur les touches. La maladresse engendrée par son ivresse naissante ne l’empêche pas de les laisser courir sur la dichotomie colorisée du clavier, ni de me laisser les imaginer, dans un frisson déroutant, courir sur la pâleur de ma peau. La tête se retourne vivement et les lèvres cherchent le bord du verre pour capturer l’alcool restant, d’un trait. Je ne sais d’où surgissent soudain ces pensées sensuelles, et si elles remuent en moi d’agréables sensations, je sens que… jamais je ne m’y habituerai. Et pourtant… si seulement je savais.

Si seulement je savais combien de fois j’en redemanderai.

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cézanne&tobias ✈ just as a heatwave overwhelming my world

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