« L'enfance est un voyage oublié. »

Si on avait dû demander à Madame Hudson, aussi nommée Erin, de choisir entre son mariage, la naissance de son premier enfant ou de son deuxième enfant comme plus beaux jours de sa vie, elle n'aurait pas pu choisir. Car pour Erin, les trois moments sont les plus merveilleux, époustouflant de sa vie. Chaque moment fut une étape marquante et jamais au grand jamais elle n'en a regretté un. La première étape de sa vie, son mariage, fut avec l'homme le plus merveilleux selon elle, Ethan. Un homme beau et bon, un homme sociable mais timide avec les filles, issu de la haute société anglaise. Erin, elle, était une jeune femme plus dynamique, préférant s'amuser, profiter de la vie au grand damne de ses parents. Sa rencontre avec Ethan fut progressive. D'abord amis, les deux se tournaient autour, Erin le draguant ouvertement, Ethan riant gentiment car il ne savait pas comment agir face à ses avances. Mais à force de persévérance et d'amour réciproque, le couple se forma pour le plus grand bonheur de la famille Melford qui voit en Ethan l'espoir de rendre Erin plus calme, la remettre dans le rang, l'assagir en somme. Et c'est ce qui arriva. Erin l'excentrique, l'intrépide se transforma peu à peu en une jeune femme douce, calme, posé, sérieuse, aimante. La jeune fille devient femme. Ethan et Erin s'unirent un jour de juin de l'année 1980 âgée tout juste de dix-neuf ans. La seconde étape de la vie d'Erin et par conséquent d'Ethan arriva plusieurs années après le mariage, en avril 1986. Ce mois-ci de cette année-là la jeune femme mit au monde un beau et adorable garçon. Son premier. Nathaniel. Ce jeune bébé était indubitablement tombé dans une famille et de conservateur, notamment en rapport avec les valeurs humaines et l'éducation, mais surtout dans une famille aimante, tant parents que grands-parents ou tante et oncle. Nathaniel était un petit veinard envié surement, désiré c'est certain. La naissance de l'enfant changea Erin qui arrêta son travail pour s'occuper de son fils. Monsieur Hudson, lui continuait son travail auprès de son père qui lui transmettait l'entreprise familiale. Au départ réticent, il l'accepta néanmoins pour subvenir aux besoins de sa famille. La troisième et dernière étape la plus merveilleuse de la vie d'Erin et Ethan furent la naissance de leur deuxième et dernier enfant trois ans après celle de Nathaniel. Ce bébé vit le jour le 14 juin de l'année 1989, un jour après leur anniversaire de mariage. Ce bébé était également un petit chanceux et ce chanceux eut pour prénom Seth, Alexander Hudson.

On dit souvent ne jamais se souvenir de son enfance, quelle qu'elle soit. Mais c'est faux et tout le monde le sait. Seth se souvient parfaitement de son frère colérique, manipulateur et charmeur. De son frère qui part coup de sourire arrivé à mettre tout le monde dans sa poche. Nathaniel était intelligent et ça dès son plus jeune âge. Mais réellement, très vite il eût droit à une tonne de test qui fit découvrir à la famille Hudson qu'il était surdoué. Faut dire qu'il a appris à marcher, parler, compter bien plus vite qu'il n'aurait dû le faire. Alexander, lui, voyait en son frère un mauvais garçon. Un garçon qui avait tout ce qu'il voulait grâce à son intelligence surdimensionnée. On ne peut pas dire qu'il était jaloux, ou peut-être parfois surtout lorsqu'il voyait comment son grand-père paternel le regardait. Mais il avait l'amour de sa mère et de son père et ça lui suffisait. Il avait aussi l'amour de ses grands-parents maternels qui voyait parfaitement comment était Nathaniel. Peut-être pour ça qu'il ne les a jamais aimés. Nathaniel savait qu'il ne pouvait rien faire des Melford alors à défaut de les aimer il les haïssait. Mais qui ça peut intéresser ? Un garçon de onze ans qui n'aime pas ses grands-parents, ça arrive non ? Non. Spectateur des mensonges de son frère, Alexander restait silencieux car dans sa famille, aussi aimante soit-elle, il a appris une chose : dire la vérité est inutile. Mais lorsqu'on ne peut pas s'en empêcher, lorsqu'on nous a appris dès la naissance à dire la vérité, comment faire ? À défaut de pouvoir s'ouvrir à ses parents, Alexander se tourna donc vers ses grands-parents maternels, qui l'écoutait, le soutenait. Avec eux il pouvait se vider, dire la vérité, contrer les mensonges de son frère. Car il le savait, sa mère débordait beaucoup trop d'amour pour voir la vérité, quant à son père, on va dire qu'il était formaté par son père lui-même...

« Nul n'est plus misanthrope qu'un adolescent déçu. »

On dit que l'adolescence est la période de toutes les bévues, de la crise. On dit aussi que l'on ne reconnait pas ses enfants dans ces moments-là. Mais lorsque l'enfant fait ses coups dans le dos, est-ce que cela compte ? Alexander, en grandissant, resta égale à lui-même, c'est-à-dire un garçon respectable et respecté. Gentil, attentionné, à l'écoute, généreux, serviable, aimable, tant de qualités que l'on peut attribuer à tout gentleman digne de ce nom. Cette façon d'agir cette éducation, il l'a doit à sa grand-mère paternelle et à ses grands-parents maternels. Ces trois-là s'entendaient à merveille, respectueux des traditions anglaises et conservateurs, en quelque sorte. Ces trois-là étaient également d'accord sur le cas de Seth : un garçon formidable bourré de qualités à l'inverse de son frère qui commençait à prendre une pente très dangereuse. Les seuls aveuglent dans l'histoire sont les parents de Nathaniel et le grand-père Hudson. Faut dire que Nate mène à merveille sa barque et sans les paroles pleines de vérité d'Alexander, ils auraient eu du mal à percevoir la vérité, du moins pas à ce point-là. Madame Hudson, adepte elle-même des mensonges depuis toujours ne supportait pas de voir son petit-fils agir de la sorte et pensait réellement qu'en avouant tout à son mari, il ferait de même et changerait de comportement. Triste erreur, Madame Hudson fut seule, à la rue et gentiment receuilli par les Melford à qui elle doit tout actuellement. Alexander était leur seul échappatoire, le seul en qui ils comptaient, le seul en qui il voyait un réel potentiel. Mais Alexander ne voyait pas tout ça. Lui il voyait surtout la naïveté de ses parents à qui il tente d'ouvrir les yeux chaque jour, sans grand succès. Pourquoi s'évertuer à mentir lorsque l'on a tout ? Pourquoi son frère pourtant si intelligent agissait de la sorte ? Un jour, alors qu'Alexander parlait avec des amis, il vit son frère sortir du collège avec des garçons louche et ayant mauvaise réputation. Inquiet il les suivit et fut plus que surpris de voir son frère se droguer de toutes les façons qu'il soit. Choqué, il n'arrivait plus à bouger. Comment son frère, qui avait reçu les mêmes valeurs, la même éducation que lui pouvait-il être si différent ? Se reprenant rapidement, le jeune blond préféra s'enfuir et confronter son frère plus tard. Ce qui lui valu, au passage un oeil au beurre noir et un bras cassé. Un accident avait-il dit à ses parents. Paroles qu'ils buvèrent sans réfléchir. Alexander ne pouvait compter que sur ses grands-parents à présent.

Mis à part le parcours difficile de son frère qu'il devait gérer comme il pouvait, Alexander eût une adolescence sans encombre. Des bonnes notes, un parcours sans faute, quelques relations, rien de bien exceptionnel. Il plaisait à beaucoup de filles à ce qu'on lui disait, mais ça ne l'a jamais perturbé dans ses études. À vrai dire la seule chose qui l'a réellement affecté était l'auto-destruction de son frère et le fait de ne rien pouvoir faire pour l'aider à se sortir de sa spirale infernale. Il ne pouvait qu'être spectateur du désastre, subissant parfois les coups de son soi-disant frère protecteur lorsqu'il l'ouvrait trop. Mais Alexander le savait, derrière toute cette haine et cette intelligence se cache un coeur. Il a foi en son frère aux grands désarrois des Melford et de Madame Hudson. Alexander est trop naïf à leurs yeux. Il décèle le mensonge mais préfère s'ancrer sur le bien des personnes même lorsque celle-ci est foncièrement mauvaise. Mais Alexander est un gentil garçon et comme tout gentil garçon, il se fait bouffer par les requins. Son frère est le requin.

« Un amour sans jalousie est un amour imparfait. »

Qui dans sa vie de jeunes garçons, d'étudiant n'a pas rencontré une fille ? Franchement, qui ? Personne n'est-ce pas ? Et bien l'inaccessible Alexander ne faisait pas exception à la règle et lors de sa dernière année de lycée, il la rencontra. Belle brune au regard ténébreux. Une fille charmante, mais une fille qui s'intéressait trop à la fortune de la famille pour le plus grand regret d'Alexander, bien qu'il ne le vit pas de suite. Ensemble depuis quatre mois, Seth découvrit sa copine, celle qu'il a aimé pour la première fois dans le lit de son frère, son pire ennemi, le drogué, l'héritier officiel de la fortune et de l'entreprise des Hudson. Je crois que c'est là que quelque chose c'est vraiment cassé. Je crois que c'est là qu'Alexander a compris que ça ne servait plus à rien de chercher à sauver son frère. Il ne voulait pas être sauvé et son sourire satisfait lors de la découverte le prouvé. Le jeune blond n'avait plus rien à faire ici. Lui qui voulait continuer ses études dans le médical à l'université de Londres pour avoir un oeil sur lui et sa famille... Sans vraiment réfléchir, Alexander envoya plusieurs dossiers dont l'un à New York et un à Montréal et afin de choisir plus facilement le blond décida de choisir l'école qui lui répondra positivement le plus vite, bien que cela ne soit guère difficile vu son talent certain dans les études. Meilleur de sa classe, une imagination et un sérieux débordant. Les Melford et Madame Hudson ne voulait pas qu'Alexander part car ils n'avaient plus que lui. Mais il le voulait et les invités à le suivre. À vrai dire ils ne se firent pas prier. Ethan était trop absorbé par son travail, délaissant complètement Alexander. Quant à Erin elle était vidée, ne sachant plus comment gérer son fils et attristée par le départ de son fils. Deux ans après le départ d'Alexander celle-ci mourut dans son sommeil, vide de toute énergie, triste à mourir. Comme vous vous en doutiez, la première école qui lui répondit fut Montréal et cela ne le dérangea pas. Il avait toujours voulu voir la ville et ayant de très bonne notion de français il était sûr de s'en sortir. Il voulait s'en sortir, oublier Nathaniel et refaire sa vie, d'une certaine manière. Il aimait sa famille, oui c'était certain, là n'était pas le problème, le problème est que sa famille, notamment son père et son frère ne l'aimaient pas. Et l'amour doit se faire dans les deux sens, non en sens unique.

Alexander retient une chose fondamentale de tout cela, l'amour n'est que mensonge. L'amour fait mal. Son premier amour ne dura pas longtemps et lui brisa le coeur. Oui depuis il va mieux et il a oublié cette histoire mais la peur de l'engagement le paralyse souvent. Car quand bien même on ne sait pas qui il est vraiment, le danger reste toujours présent. Son premier amour était imparfait, et c'est ça qui l'a un peu changé.

« Un nouveau départ entraîne forcément une nouvelle vie. »

Lors de la naissance d'Alexander, jamais personne n'aurait pensé qu'il serait parti. Il n'était peut-être pas surdoué comme son frère mais il était clair qu'il avait quelque chose que Nathaniel n'avait pas, en dehors du fait qu'il était respectueux des traditions et un anglais que tout le monde voudrait pour gendre. Mais lors de ces moments-là, les parents ne les voient pas. Alexander se souviendra toujours du regard vide de sa mère, morte à petit feu dans cette cage dorée qui ne lui apportait plus rien. Le regard de son frère rempli de haine, planifiant son prochain coup, plus gros que le précédent et celui de son père, fier du fil en face de lui, de son intelligence, de sa succession. Seth aurait vraiment aimé rester à Londres, sa ville et au fond il sait qu'il y retournera un jour.

Montréal, une ville splendide, une ville que Seth a adorée dès le premier regard. Lui qui pensait se plaire mille fois plus à New York ne se voit plus quitter cette ville remplit de surprise. Il l'aime. Sa beauté... Lui petit anglais voit Montréal à un cran en dessous de sa ville natale, Londres. Vous imaginez le niveau ? Pourvu d'une richesse assez conséquente bien qu'à voir ainsi cela ne se voit pas, il ne s'en vente pas et à vrai dire ça ne le dérangerait pas vraiment de s'en débarrasser. Il n'est pas vénal. Il ne cherche pas l'argent avant tout. Cet argent ne lui sert que pour ses études et son logement. Rien d'autre. Alexander préfère mille fois bosser pour son argent plutôt que de profiter de celui de son père et indirectement son grand-père et son frère. Et dire qu'il les aimait plus que tout... Les études de Médecine du jeune homme se passèrent sans encombre. Toujours égal à lui-même on ne peut pas dire qu'il ne bossait pas et être dans le top 3 des meilleurs élèves le prouvait largement. Jamais il n'a retapé une année et c'est avec une immense satisfaction personnelle qu'Alexander entama sa première année d'internat. Enfin sur le terrain, enfin en contact avec les autres il s'avère qu'il est un interne très bon et très doué avec d'incroyable réflexe. Les résidents, en règle générale, n'apprécient pas leur interne, mais avec Alexander c'est différent, sa galanterie, sa gentillesse tout fait de lui une personne agréable à vivre. Une personne respectable et respectée. Une personne qui fait craquer les infirmières sans même s'en rendre compte. Une personne inaccessible.