✈ DEPUIS COMBIEN DE TEMPS EXERCEZ-VOUS VOTRE MÉTIER ? Depuis qu’il a commencé ses études. Ce qui fait un nombre conséquent d’années, mais si peu pour toute une vie. Presque huit ans, pour être exact, si l'on compte depuis le début de ses études de médecine ✈ DANS QUEL DOMAINE SOUHAITERIEZ-VOUS VOUS SPÉCIALISER ? En neurochirurgie. Garett a des doigts de fée (ce n’est pas lui qui le dit, mais son supérieur) et une assurance et un aplomb qui lui permettent de s’enfoncer toujours plus profond ✈ POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ DE VOUS LANCER DANS LA MÉDECINE ? En premier lieu, pour profondément faire suer son père, qui aurait souhaité le voir reprendre l’entreprise familiale. Mais il s’est avéré que Garett a finalement trouvé sa voie, comme on dit. ✈ QU'EST-CE QUI VOUS PLAIT LE PLUS DANS CE MÉTIER ? Plus que sauver les gens, les défis. Être plus fort que la nature. Garett a l’esprit de compétition et rien ne satisfait plus cet esprit de compétition que la chirurgie. ✈ QUELS SONT, POUR VOUS, SES INCONVÉNIENTS ? Il n’y en avait aucun pour lui jusqu’à récemment. Avant de rencontre Birdie, même les horaires ne le dérangeaient pas. Désormais, il existe un inconvénient, de taille : relation interdite avec les patients.
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✈ Il se passe la langue sur les lèvres quand il est contrarié ✈ Tous les matins, il achète une viennoiserie différente dans sa boulangerie préférée, sur la route de l’hôpital ✈ Bien qu’il soit britannique, son alcool favori est le rhum ✈ Il adore la pluie et le brouillard, et a une telle aversion pour le beau temps et la chaleur qu’il ne va jamais à la plage en été ✈ Dès qu’il le peut, lorsqu’il sort du travail, il va faire un petit footing d’environ vingt minutes, et réfléchit à tous les cas qu’il a vus dans la journée. Mais ces derniers temps, il ne pense qu’à un cas en particulier
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never let me go.
« Garett ! »
Perché dans un arbre, l’enfant leva les yeux au ciel et ignora royalement son paternel. Il ne souhaitait nullement l’écouter encore lui rabacher toujours la même rengaine. Qu’il n’écoutait même pas du haut de ses dix ans. Etre l’aîné était un vrai calvaire pour lui. Il aurait mille fois préféré que son frère ou l’une de ses sœurs soient nés avant lui.
« Garett ! Je sais que tu es dehors. Viens ici immédiatement ! »
Mais il ne répondit pas. Et ne vint pas. Mais il le fit la fois suivante, et les autres fois aussi. Cependant, il ne montra jamais l’intérêt que son père attendait de lui…
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« Monsieur Blackwell, si je vous dérange, n’hésitez surtout pas à me le dire. »
Avec un sourire désarmant, le jeune Garett, du haut de ses dix sept ans, se tourna vers son enseignante. Dans cette école privée, il était difficile de renvoyer ou réellement punir les élèves. Spécialement quand ils étaient aussi brillants que Garett. La professeur savait pertinemment que l’adolescent, bien que fort occupé à tenter de séduire l’une de ses camarades, ne perdait pas une miette de ce qu’elle racontait.
« Je vous écoute, Mme O’Neill. Vous parliez des lois de Mendel. Plus précisément, de comment les croisements entre les différentes espèces de petits pois lui ont permis de découvrir la dominance et la récessivité. De plus… »
« Stop ! J’ai parfaitement compris. Vous m’écoutiez. Ce qui n’était pas le cas de Mlle Evans, c’est pourquoi je vous prierai de la laisser tranquille. »
Ce genre de scène arriva souvent pendant les heures de cours. Sans être un bad boy, Garett fut, durant toute sa scolarité, un sacré garnement. Mais, élève doué, il n’avait jamais vraiment eu de problèmes. Ça, et les subventions diverses et variées de son père. Après le lycée, il aurait pu aller où il voulait. Mais il ne voulait aller nulle part, à part en médecine.
« Tu veux faire l’école de médecine ? »
Son père avait éclaté de rire.
« Toi ? Sérieusement ? Garett, mon garçon, tu n’as pas la fibre altruiste nécessaire à n’importe quel médecin ! »
« Qu’est ce que tu en sais ? Tu ne m’as jamais demandé mon avis, tu m’as forcé à te succéder ! »
« Je ne t’ai jamais forcé à rien. Si tu veux devenir médecin, soit. »
« Je veux faire mes études à Montréal. »
Ethan Blackwell avait été quelque peu surpris par la requête inhabituelle de son fils. Une fille était sans doute là-dessous. Mais ça ne l’inquiétait guère. Tout d’abord, parce que ça ne durerait pas, ensuite parce que ça n’empêcherait pas son fils d’étudier, et enfin, parce que Garett était suffisamment intrépide pour ne pas avoir peur de s’éloigner autant de sa famille et de son pays natal.
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Ça n’avait pas été facile. Garett avait dû s’accrocher car, aussi brillant était il, il ne pouvait pas réussir sans bosser. Et c’était ce qu’il avait fait. Il en avait aussi profité pour assouvir un penchant quelque peu honteux (sauf pour lui) : les femmes. Car Garett les aime, toutes autant qu’elles sont. Volage, le charismatique futur médecin ? Plutôt, oui, et sans s’en cacher. La seule chose sérieuse pour lui, c’est son travail. Car il a trouvé la spécialité qu’il veut faire : la neurochirurgie. Il adore les défis et chaque cerveau en est. Chaque femme aussi, d’ailleurs, mais c’est un défi pour le plaisir. Enfin, ça l’était jusqu’à récemment…
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Peut être aurait il dû plus dormir la nuit précédente au lieu de… Bref. Ses cernes rougeâtres n’avaient pas leurré son supérieur. Il était donc à se coltiner un banal… Il regarda le dossier du patient. Ah oui, une plaie au front suite à une chute. Splendide. L’infirmière le poussa plus qu’elle ne guida en direction du rideau.
« Bonjour, Mlle… Summer-Lloyd, je suis le Dr Blackwell, je vais m’occuper de vous. »
Il avait essayé de masquer son agacement mais c’était plutôt raté. S’il n’avait pas été aussi fatigué, peut être aurait il mieux joué de son charme british et de son diabolique accent anglais, qui les faisait toutes craquer. Et sans doute aurait il remarqué plus tôt à quel point sa patiente était ravissante. Il sortit sa petite lampe mais sa réponse le laissa quelque peu coi. Comment ça, elle ne pouvait pas ?
Mais il se rendit vite compte de son énorme boulette et lâcha un juron. Cependant, elle ne se laissa pas abattre. Bien au contraire. Elle était pleine d’humour et absolument pas vexée. Il ne devait sans doute pas être le premier et ne serait pas le dernier à ne pas s’en rendre compte. Il jeta un bref coup d’œil à ses yeux. Ils ne semblaient pas atteints. Il fronça les sourcils. Il rajouta quelques clichés au dossier de la jeune femme. Une intuition.
« Me faire pardonner, rien que ça ? » répondit il avec un sourire amusé.
Elle n’hésita même pas l’inviter, après sa garde. S’il avait été prudent, il aurait refusé. Mais il aurait menti en disant qu’il ne la trouvait pas à son goût. Même si elle était une patiente et qu’il n’avait pas le droit de la trouver totalement à son gout.
Pourtant, il la retrouva un peu plus d’une heure plus tard dans un bar de la ville. Il réussit même à lui rabattre son caquet en affirmant que sa cécité ne le gênait nullement. Au contraire. Elle avait ce petit quelque chose qui manquait à toutes les autres et au moins, il ne pouvait pas dire que c’était son physique qui l’attirait, puisqu’elle ne savait pas à quoi il ressemblait.
Ils discutèrent tranquillement un long moment, lorsqu’il remarqua que quelque chose n’allait pas. La jeune femme avait blêmi et quand elle se leva, elle s’effondra dans les bras du fort prévenant médecin.
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« C’est une blague ? »
C’était sorti tout seul. Garett n’avait pu s’en empêcher. Mais ce n’était ni une blague ni une erreur. Et ce qu’il voyait expliquait bien des choses. Les malaises de Birdie, mais aussi sa cécité. Comment personne n’avait pu rien remarqué avant ? Pourquoi aucun médecin ne s’était donné la peine de chercher la raison de sa brutale cécité ? Soupirant, il rangea les clichés. Il sortit de la salle et vit Birdie qui discutait avec un infirmier. Ou un externe. Peu importait. Il allait devoir lui dire qu’elle avait une tumeur, inopérable, oui quasiment. Mais il ne pouvait se résoudre à aussi lui avouer que ladite tumeur la rendait aveugle. Elle voudrait forcément se faire opérer, et il ne pouvait envisager qu’elle ne fasse plus partie de ce monde. Car cette opération était très risquée et n’avait qu’un très faible pourcentage de réussite.