« - Craig, vous avez compris la question ou vous souhaitez que je la répète une nouvelle fois ?
- Vous me prenez pour un idiot ?
- Non. J’envisage seulement la possibilité que vous n’ayez pas compris ma demande.
- Vous savez que selon une étude récente faite aux Etats-Unis, 72% des hommes déclarent avoir été infidèle au moins une fois après cinq ans de mariage ?
- Non, je ne le savais pas.
- C’est énorme, vous ne trouvez pas ? Sur ce, je n’ai plus rien à faire ici. »

Sur ces mots, Craig s’était relevé d’un geste assez brusque et avait enfilé sa veste, prêt à quitter le cabinet de la psychiatre, qu’on lui avait joyeusement imposé. En apparence, il reflétait l’assurance, le bien être, la sérénité. Mais intérieurement, Craig n’était plus qu’un homme amoché par les épreuves de la vie, plutôt amer et surtout en colère contre lui-même. Lui qui avait toujours prôné « être le seul maître de son destin », sa vie était désormais entre les mains de cette jeune femme. Une inconnue était la seule à pouvoir décider de son aptitude à réintégrer le programme de médecine qu’il suivait depuis maintenant huit ans avec acharnement.

► Pour vraiment comprendre comment le destin avait réussi à l’amener ici, il suffisait simplement de revenir quelques semaines en arrière.

« - Craig, tu tiens à moi ? Je veux dire, sur une échelle de un à dix, tu te situerais à combien pour évaluer à quel niveau tu tiens à moi ?
- C’est quoi votre manie à vous les femmes de toujours poser des questions complètement stupide ?
- Je suis sérieuse, répond moi franchement pour une fois.
- Je ne suis ni à un, ni à dix, ça te va ?
- T’es chiant, Craig. Bref, de toute manière, c’est pas ça qui changera la donne, je suis enceinte. »

Comme un arrêt sur image, Craig avait arrêté toute activité sous cette révélation. Le regard fixé sur la silhouette menue de la jeune femme, il avait encore du mal à digérer la présente nouvelle. Lui, père ? Quelle blague. Il était arrogant, imbu de sa personne, dédaignant et encore moins démonstratif sur ce qu’il ressentait. L’idée de le garder ne lui avait alors même pas traversé l’esprit tandis que sa présente compagne se rapprochait pour déposer délicatement sa main contre sa joue. « - Dis-moi quelque chose. » Au plus profond qu’il se souvienne sa voix avait été la première chose qu’il avait remarqué chez la jeune femme. Une voix douce et agréable, presque hors du temps, qui l’apaisait depuis maintenant plus de neuf mois. Des choses, il aurait certainement pu en dire de nombreuses, des vertes et des pas mûres, mais sa trachée restait obstruée, ne pouvant pour l’instant dire quoique ce soit.
Avortement. Bullshit. Connerie. Grossesse. Bébé. Couche. Tout des mots qui résonnaient dans son esprit pour lui rappeler à quel point il n’avait jamais voulu d’enfant, à quel point il n’en voulait pas, et à quel point il ne pourrait jamais être père. Prendre soin des autres, ce n’était pas sa tasse de thé. Déjà qu’il avait du mal à prendre soin de lui la plus part du temps. Mais il lui fallait dire quelque chose et au plus vite, avant de se faire happer dans un engrenage dont il ne pourrait plus sortir. « - Je crois qu’il vaut mieux qu’on arrête là. Ça fonctionnera pas, soyons réaliste je ne veux pas de ça ici mais, je reste soignable à tout moment si besoin est. » Se protéger, ne penser qu’à soi et oublier le reste. C’était exactement ce qu’il venait de faire, quitte à devoir renoncer à la femme qu'il aimait plus qu'il ne voulait bien se l'avouer.

« - Craig, je t’appelle pour savoir si tu souhaitais venir pour l’échographie ?
- C’est à quelle heure ?
- 17h.
- Où ?
- A la boulangerie du coin de la rue.
- Ah ah très drôle.
- A l’hôpital, au service gynécologie, idiot. Tu viens ?
- J’essayerai. A plus. »

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Craig et la jeune maman étaient « séparés ». L’esquive était devenue un art, l’ignorance, leur état d’esprit. Mais ce n’était pas pour autant que Craig ne pensait plus à la jeune femme, puisque celle-ci avait eu le don le plus secret de s’immiscer dans ses pensées à toute heure du jour et de la nuit. Etait-il amoureux ? Peut être bien. Cet appel lui avait alors fait plaisir, même si il n’en montrait rien. S’ouvrir aux gens, même ceux de qui il était proche, ça n’avait jamais été son truc, et ça ne le serait surement jamais. Le cœur a des raisons que la raison ignore.
Il s’était donc arrangé pour troquer quelques heures de repos avec un interne afin de pouvoir se rendre au service de gynécologie. Désireux de pouvoir voir l’image de son fils de ses propres yeux, Craig était même arrivé en avance, action des plus surprenantes lorsqu’on le connaissait un minimum. « - Je vois que tu as pu te libérer. » Laissant son regard se perdre sur le bas de son ventre, il s’était alors contenté de hocher simplement la tête et d’attendre patiemment l’arrivée de la gynécologue. Rapidement, les présentations avaient été faites et la jeune femme s’était installée afin de vérifier que tout était en ordre. Une affaire rondement menée qui les avait alors conduit à quitter le service avec une photo de l’échographie de leur enfant. De fil en aiguille, Craig avait alors proposé à la jeune femme de la raccompagner chez elle, et pour la première fois depuis plusieurs semaines, ils s’étaient de nouveau retrouvé à parler de tout et de rien, sans pour autant qu’il ne se passe quoique ce soit.
Ce ne fut qu’au petit matin que les événements c’était quelque peu aggravé. En effet, la jeune femme s’était réveillée au milieu de son propre sang, ce qui ne présageait rien de bon, et pour cause, elle venait de perdre l’enfant qu’elle portait depuis maintenant trois mois.

« - Je suis désolé… pour tout ça… tu ne méritais pas de passer par là.
- Ne fais pas comme ci t’en avais quelque chose à faire Craig, je te connais, je sais comment tu fonctionnes. C’est fini, j’arrête, j’ai trop donné avec toi. Je préfère qu’on arrête de se voir définitivement.
- Comme tu voudras. Mais ne dis pas que je m’en fiche, parce que c’est faux. Je tiens à toi… je veux dire… véritablement. Je tiens à toi... à ma manière.
- (rire) A ta manière ? Comme un con égocentrique incapable de montrer ce qu’il ressent, pense ou voit les choses ? T’es un handicapé des sentiments Craig, tu l’as toujours été et tu le seras toujours. Tu te souviens le jour où je t’ai demandé si tu m’aimais ?
- A peu de chose près oui.
- Ce jour-là, je t’ai appris que j’étais enceinte et tu m’as quitté. Tu te souviens du jour où j’ai perdu notre enfant ?
- Évidemment, pourquoi cette question ?
- Ce jour-là, t'as enfin décidé de bouger ton cul et de t'ouvrir pour m'avouer que tu m’aimais. Excuse-moi, mais un type normal, ça fait le contraire. Fais-toi soigner Craig! »

Et vlan prend toi ça dans la figure Craig. Ses mots étaient durs, son visage était creusé par la fatigue et la tristesse, mais dans le fond, il la comprenait. Il n’avait jamais eu un geste affectueux envers elle, pas un mot gentil pour la complimenter, ni même une pensée claire sur ses sentiments. Juste du froid, de la distance, de l’éloignement. Mais pourtant, qu’est ce qu’il pouvait être accro à ce petit bout de femme qui l’apaisait. Lui dire ? Apparemment ça ne servait plus à rien, il se devait juste de l’oublier, de s’éloigner, d’arrêter de penser qu’elle aurait pu faire un bout de sa vie avec lui. Il ne parlait ni d’enfant, ni de mariage, ni de l’idée de vieillir ensemble, mémé, faut éviter de la pousser dans les orties. Non juste de l’idée de pouvoir faire un bout de chemin avec elle.
Dans un geste désespéré, il s’était alors redressé, les larmes perlant au coin de ses yeux pour lui attraper le poignet et la retourner vers lui avant qu’elle ne franchisse le pas de la porte avec ses vieilles affaires. Sans attendre son avis, il avait ensuite posé sa main contre sa joue, et lui avait donné un des plus tendres baisers qu’il ne lui avait jamais donné avant de murmurer contre ses lèvres. « - Je t’en supplie, reste. » Une simple phrase qui avait déclenché des étreintes fougueuses et une nuit agitée au sein des draps de Craig. Une simple nuit pour se dire au revoir. En effet, le lendemain matin, Craig s’était réveillé au sein de ses draps en compagnie d’une simple lettre, écrite de la main de la femme qui serait désormais son ex.

Oublier pour éviter de faire face à son passé. Oublier pour éviter de laisser les vieux démons revenir prendre possession de vos rêves. Oublier pour oublier l’injure et la souffrance obtenue. C’était devenu le credo de Craig, qu’il mettait brillamment en œuvre depuis trois nuits à l’aide de bouteille de scotch, de whisky et de vodka. L’alcool était devenu son échappatoire, sa façon de te tenir le coup pour se donner de la force. En temps normal, il se serait donné à corps perdu dans le travail, mais il était en jour de repos et ne pouvait donc pas se pointer à l’hôpital sans raison valable sous peine de se faire renvoyer chez lui.
Pourtant cette nuit-là, il avait pris la (pire) décision de s’y rendre complètement saoul pour faire la seule chose dans laquelle il était encore bon de son point de vue. Toutefois, tout ne s’était pas vraiment passé comme prévu, et après avoir insulté l’agent de sécurité, frappé une infirmière et vomi sur les pieds d’un patient, on l’avait très vite maitrisé pour l’emmener décuver dans une salle de repos. Une fois remis sur pied, il s’était ensuite retrouvé devant le chef de son service, la gorge pâteuse et avec cette envie de vomir ses tripes sur ses chaussures neuves.

« - Craig, vous comprendrez bien qu’après l’incident d’hier soir, l’hôpital me demande des comptes. Suite au récent événement qui est arrivé dans votre vie, je peux comprendre que cela est difficile, mais se montrer en spectacle devant le personnel et les patients de cet hopital, ce n’était vraiment pas glorieux.
- Épargnez-moi vos leçons de moral.
- Pour faire court, l’infirmière a décidé de porter plainte contre vous, et je me vois dans l’obligation de vous suspendre le temps que quelqu’un vous juge apte à reprendre vos activités.
- La note est salée pour un simple bifteck.
- C’est le règlement. Vous pouvez y aller, votre rendez-vous est à 17h, ne soyez pas en retard. »

► Un passé merdique, une perte, un divorce et un faux pas alcoolisé, c’était toutes les erreurs qui avaient amenés Craig dans ce cabinet ce jour-là, dans un piteux état, déboussolé mais avec l’envie pourtant d’envoyer chier la première personne qui viendrait le toiser. Certes, il n'allait pas bien, mais au moins, il n'irait pas bien avec le sourire désormais.

Spoiler:

Bienvenue et bonne rédaction
Ce sont les demoiselles qui vont être heureuses

Bienvenue et bon courage pour ta fiche ! :)

Merci beaucoup les gens.

@Birdie : Je te garde un lien avec plaisir. (a)

JENSEEEEEEEN... Bienvenue parmi nous
Garde moi un lien qui tue

@Maxime : AMBEEER. :puppy:
Ce sera avec plaisir pour le lien. (a)

Je pense d'ailleurs avoir terminé ma fiche.